# 34 La fin du cerveau reptilien, ou l’histoire d’un travail d’équipe

Il est parfois dit que, dans une situation donnée, le cerveau du chien (et de l’humain) réfléchi et analyse de façon séquentielle la situation suivant le concept du cerveau tri-unique :

_le cerveau reptilien (instinct de survie)

_le cerveau limbique (émotionnel)

_le néocortex (résolution de problème complexe, analyse de la nouveauté).

Ce concept explique que notre cerveau reptilien, et celui de nos fidèles acolytes poilus, est le premier qui entre en action. Ensuite, c’est le cerveau limbique, cerveau des émotions puis enfin le néocortex, le cerveau analytique ou réfléchi.

Cependant, ce concept est très réducteur du fonctionnement du cerveau, car il sous estime son fonctionnement en le décrivant au travers d’un fonctionnement linéaire.

Prenons un exemple pour mieux comprendre le concept de cerveau triunique et ce qui est étudié aujourd’hui.

En cours de technologie, remontant à mes années collèges (oula..), j’ai appris qu’il existait en électricité deux systèmes :

_En série : les ampoules ou les éléments électriques du circuit sont tous branchés les uns après les autres, et si l’un vient à être endommagé, c’est la fin de notre circuit.

_En dérivation : Les différents éléments électriques sont branchés en parallèles. Si l’un vient à tomber en panne, ce n’est pas grave, la vie continue pour les autres éléments.

Je fais ce petit parallèle entre circuit électrique et cerveau car on observe la même chose si l’on compare la théorie du cerveau tri-unique et le système de réseau intégré neuronal.

Nous avons donc d’un côté la théorie du cerveau tri-unique, qui explique que le traitement des stimuli externes est d’abord analysé par le cerveau reptilien puis limbique puis enfin par le néocortex, soit un système d’analyse en série.

Nous avons de l’autre coté le système de réseau intégré où les structures qui forment le cerveau reptilien et limbique sont fortement interconnectées entre elles, et forment aussi de larges connexions directes avec le néocortex. On peut donc comparer ce système aux circuits en dérivation.

Regardons de plus près ces deux systèmes :

Concernant le cerveau tri-unique, le schéma d’analyse est le suivant :

cerveau reptilien qui analyse froidement la situation et agit en fonction du danger

Puis

cerveau limbique : l’émotionnel s’en mêle si il n’y pas urgence, est-ce que j’aime ou je n’aime pas

Puis

néocortex→ comment vais-je résoudre ce problème en fonction de ce que j’ai appris, de mon état émotionnel etc.

D’ailleurs, faisons un petite pause pour parler du cerveau limbique et comprendre son origine.

C’est James Papez, neuro-anatomiste, qui publia en 1937 des travaux sur le circuit dit limbique (ou des émotions), en se basant sur les travaux de Christofredo Jakob (1907-1908- découverte du gyrus cingulaire). On appelle d’ailleurs le précédent modèle des émotions le circuit de Papez. Hors, aujourd’hui, il n’existe pas un circuit limbique, mais des réseaux limbiques. Des études ont montré que les émotions n’étaient pas restreintes à quelques structures, mais étaient finalement le fruit d’un travail d’équipe bien huilé !

Les travaux récents montrent que ce modèle tri-unique est véritablement obsolète. En effet, l’idée initiale selon laquelle les différents cerveaux étaient organisés en rang d’oignon et travaillaient les uns après les autres concernant le traitement de l’information, n’est plus vraiment acceptable à l’heure actuelle.

Viens donc l’heure du modèle de réseau intégré, où l’information est analysée en parallèle et en impliquant plusieurs structures à la fois.

Dans ce modèle, les structures des systèmes dits reptilien, limbique et analytique parlent toutes ensemble via des réseaux parallèles.

Il n’est donc plus question de système reptilien-limbic-neocortex mais plutôt de répartition fonctionnelle, donc du modèle de réseaux neuronal intégré.

Il y aurait en parallèle des réseaux gérant :

_l’analyse sensorielle

_l’analyse motrice

_l’analyse cognitive

_L’analyse émotionnelle

Il est vrai qu’avant tout, c’est l’analyse sensorielle qui va être la première à entrer en action. Cependant, celle-ci est bien différente du cerveau instinctif reptilien décrit par le modèle de Papez.

Tous ces réseaux sont en association avec le système de renforcement (circuit de la récompense) et le système d’analyse d’erreur (cervelet), eux même connectés à d’autres structures que l’on retrouve parmi les différentes réseaux cités (notamment l’amygdale qui mange à tous les râteliers..).

Tous ces systèmes interconnectés peuvent alors faire de nouvelles connexions entre eux selon l’évolution de l’apprentissage et donc de l’expérience.

Le cerveau est donc un organe bien complexe sur lequel on ne cesse d’apprendre. Il est donc aussi important de comprendre que les traitements d’informations se font en parallèle, car raisonner en termes d’échelle de traitement hiérarchique pourrait induire un biais d’analyse.

On pourrait en oublier que, même lorsque notre toutou a très peur, il apprend et utilise son cerveau (entier), et que chaque comportement est loin d’être ‘simple’.

Bibliographie :

Bostan A. et Strick. P, The basal ganglia and the cerebellum : nodes in an integrated network. 2018, NRN vol. 19 338-350

Naumann R.K. et al., The reptilian brain ,2015, Current Biology, 25 , R301-R327.

Rolls E. Limbic systems for emotion and for memory, but no single limbic system, 2015, Cortex, 62, 119-157