# 23 Prédation ou agression, telle est la question…

Nous avons vu, dans l’article sur l’amygdale (https://conseils-toutous.fr/2020/11/25/20-lamygdale-une-histoire-de-peur-mais-pas-que-dcedc-1/) que cette dernière était impliquée dans les comportements sociaux et dans les mécanismes de peur.

Seulement, une fois de plus, le cerveau est plein de surprises !

Dans cet article, nous avions brièvement mentionné l’implication de l’amygdale dans l’appétit. A dire vrai, si on regarde de plus près, c’est un peu plus complexe que cela.

Vous allez me dire, quel est le rapport avec la prédation ?

Et bien j’y viens.

Des études ont été menées sur l’implication de l’amygdale chez les mammifères dans les comportements appétitifs1.

Pour être tous d’accord, faisons un bref rappel de ce qu’est le comportement appétitif. Le comportement appétitif consiste en l’activité de recherche de nourriture. Donc, pas la prise de nourriture en soi, juste la poursuite et la capture. Le comportement qui précède donc l’acte de se nourrir.

Ces études se sont portées sur les différentes composantes de l’amygdale que l’on sait impliquée dans les comportements de peur, innés ou acquis. Elle intervient aussi dans les comportements de défense et l’anxiété. Cependant, une fonctionnalité plus précise a été mise en évidence par les chercheurs, celle de la génération des comportements appétitifs.

C’est à dire ?

Et bien, l’amygdale est composées de plusieurs parties et cette fois, on s’intéresse à ce que l’on appelle l’amygdale centrale.

Dans l’amygdale centrale, nombres de neurones sont présents et communiquent joyeusement. Selon le type de neurones sollicités dans cette région, les chercheurs ont observé soit un comportement de défense, soit un comportement appétitif, soit rien du tout.

Cela veut dire qu’il s’agit d’une population bien distincte de neurones qui conduit ces comportements et qu’il ne faut donc pas les mélanger.

Cela peut paraître anodin, cependant, cela a toute son importance.

Pourquoi ?

Parce que les comportements de prédation et de capture font partis des comportements appétitifs, et non d’agression.

Nous serons tous d’accord que la prédation est un comportement qui a pour but de se nourrir. L’agression a pour but de se défendre.

Et c’est là que les choses deviennent encore plus intéressantes.

Il est important de préciser que les études présentées ici ont été effectuées sur des rongeurs. Cependant, on peut étendre cette notion de réseau et ces découvertes à l’ensemble des mammifères étant donné la conservation et l’organisation des structures cérébrales dans le règne animal3.

Ainsi, une étude2 très intéressante a mis en lumière non seulement les neurones responsables de la production du comportement de prédation, mais a aussi mis en évidence que le circuit de la poursuite et le circuit de la capture étaient distinct.

Mais comment ?

A l’aide de technique d’optogénétique notamment.

Opto-quoi ?

L’optogénétique est une technologie de recherche assez récente qui permet, par illumination de cellules, de déclencher leur activation ou inhibition. On peut voir cela un peu comme un interrupteur on/off sur des neurones très spécifiques.

Revenons donc à notre amygdale.

Ces chercheurs ont pu, sur demande, activer ou non certaines populations de neurones dans l’amygdale centrale. Ils ont, grâce à cette technique, identifié que certains neurones, lorsqu’ils étaient activés, déclenchaient le comportement de poursuite.

Et lorsqu’ils activaient une autre population de neurones, et bien ils produisaient le comportement de mise à mort par activation des muscles impliqués.

Ce qui est intéressant, c’est qu’ici, les chercheurs ont mis en évidence une régulation du comportement de prédation par l’amygdale par contrôle des mâchoires notamment (musculature cervical et mandibulaire). Bien évidemment, dans le traitement et la production normal de ce comportement par l’amygdale, les éléments extérieurs comme l’odeur et les stimuli visuels sont nécessaires pour initier le comportement de prédation. C’est le traitement des informations extérieures (odeur, vue) qui va initier le comportement de prédation5.

Et cela nous amène donc à une information d’autant plus intéressante.

Il s’agit des attaques conspécifiques (entre congénère). En effet, la stimulation des zones de prédations/morsures/mise à mort a échoué dans le cadre d’attaques conspécifiques2. Cela indique, pour les chercheurs, que la gestion de l’attaque des congénères ne se fait pas au niveau amygdalien, et n’impliquerait donc pas le mécanisme de la prédation.

Ah bon ?

C’est à dire que l’attaque des congénères est régie dans le cerveau à des niveau supérieurs, et non à l’échelle de l’amygdale comme la prédation. L’attaque des congénères relèverait donc de la menace et de l’agression, et non de l’application d’un comportement de prédation.

Les comportements de peur vis à vis d’un congénère ou d’un prédateur sont gérés par l’hypothalamus4, c’est à dire un réseau différent.

il est vrai que les conditionnements de peur classiques pavloviens au choc électrique induisent une forte activation amygdalienne. Cependant, les études montrent que la gestion des peurs, selon leurs origines et selon leurs natures est bien différente.

C’est pour cela que, selon le type de peur, il faut être prudent quant à l’interprétation de la circuiterie neuronale impliquée.

La gestion de la peur d’un prédateur, d’un congénère ou d’une autre source de peur peut être traitée de bien des manières. Et, de surcroît, le fait que l’activation de la circuiterie de prédation échoue en présence de congénère indique que la prédation est donc spécifique. Ce qui est encore plus intéressant, c’est que l’activation du réseau de prédation et capture induit une attaque et comportement de mise à mort même sur des objets non comestibles, mais pas sur des congénères.

Cela donne donc à réfléchir sur les comportements interprétés comme prédation que l’on pense parfois observer chez nos amis poilus. La science nous montre que cela est beaucoup plus complexe.

Autant on peut observer un comportement de poursuite, comme dans le jeu, même mal géré par notre poilu, cependant pour en arriver à un véritable comportement de mise à mort, et bien la, on ne joue plus avec les mêmes neurones. Il est donc plus probable qu’on fasse appelle à une action d’agression plutôt qu’à une action de mise à mort par prédation.

Sans être définitives, ces données amènent donc à réfléchir dans notre interprétation des comportements de nos 4 pattes lorsque l’on parle de prédation et lorsque que l’on parle d’agression.

Bibliographie :

1. Basolateral to Central Amygdala Neural Circuits for Appetitive Behaviors Kim et al., 2017, Neuron 93 (1464-1479)

2. Integrated Control of Predatory Hunting by the Central Nucleus of the Amygdala Han et al., 2017, Cell 168, 311–324

3. The Basal Ganglia over 500 millions Years, Grillner and Robertson, 2016, Current biology 26 (R1088-R1100).

4. Dissecting the brain’s fear system reveals the hypothalamus is critical for responding in subordinate conspecific intruders Motta et al., 2009 PNAS 106 (12), 4870-4875.

5. Optogenetic Excitation of Central Amygdala Amplifies and Narrows Incentive Motivation to Pursue One Reward Above Another, Robinson et al., J Neuroscience, 2014, 34(50) ; 16567-16580

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