# 20 L’amygdale, une histoire de peur, mais pas que (DCEDC #1)

Pour celles et ceux qui auraient manqué la première conférence spécial confinement, voici un petit article histoire de ne pas vous laisser sur votre faim.

L’amygdale est souvent présentée comme le centre du traitement de la peur. C’est vrai, elle possède un rôle fondamental dans la production de cette émotion. Elle a aussi un rôle dans l’anxiété, sentiment d’inquiétude qui perdure dans le temps vis à vis d’un stress psychologique, présent ou absent. Cependant, l’amygdale n’est pas seulement impliquée dans la peur, à dire vrai, elle est beaucoup plus complexe que cela, et c’est ce que nous allons voir dans cet article.

Commençons par le commencement !

L’amygdale est une structure cérébrale que l’on retrouve chez la plupart des mammifères. Elle fait partie de ce que l’on appelle le cerveau « reptilien » en raison de sa conservation au long de l’évolution des espèces. On retrouve donc cette petite structure chez nos poilus et aussi dans nos cerveaux de primates humanoïdes, et même chez les poulpes!

L’amygdale est un point de convergence entre les différentes structures cérébrales. En fait, elle ‘papote’ avec de nombreuses autres régions comme le striatum, l’hippocampe, le cortex préfrontal, l’hypothalamus ou encore le tronc cérébral (noyau du Raphé). Il est intéressant d’imaginer l’amygdale comme un carrefour où se rencontrent beaucoup d’informations, et elle permet d’analyser notamment la valeur de ces informations.

Au départ, l’amygdale a été majoritairement étudiée en raison de son rôle dans la peur. Des expériences d’ablations de l’amygdale ont mis en évidence une diminution de l’anxiété chez les animaux, ainsi qu’une disparition de la peur. Des expériences de conditionnement de peur pavlovien ont aussi montré que la peur mettait en place un processus d’apprentissage spécifique, notamment dans un contexte associatif.

Le conditionnement de peur est assez simple. Vous exposez un individu à un danger, sans possibilité de s’échapper. L’individu va être traumatisé par cette expérience et va retenir le contexte associé au danger dans le but de ne pas se remettre dans la même situation et l’éviter. Le contexte retenu va être l’endroit, mais aussi tous les stimuli associés : bruits, odeur, individus présents etc. Ces stimuli vont ainsi déclencher la peur en absence du danger en lui même. C’est le conditionnement de peur contextuel.

Revenons donc à l’amygdale. Elle permet donc d’identifier un stimulus dangereux ainsi que l’apprentissage du contexte qui entoure la peur et de retenir les stimuli correspondant au déclenchement de la peur.

Elle est donc, de ce fait, responsable de l’anxiété, impliquée dans les états de vigilance et d’éveil, ainsi que dans le développement de comportement de défense spécifique vis à vis d’une situation donnée qui serait stressante.

Cependant, la magie de l’amygdale réside dans sa participation à ce que l’on appelle ‘l’extinction de peur’. C’est à dire qu’elle permet d’apprendre qu’un élément présent durant un conditionnement de peur contextuel peut être finalement inoffensif, et donc la peur peut s’éteindre (mais elle ne sera pas oubliée pour autant).

Cependant, la magie de cette structure ne s’arrête pas là…

En effet, des observations effectuées chez des animaux présentant des lésions ou ablations de l’amygdale ont montré que ces derniers ne présentaient plus de peur ni d’anxiété, mais aussi une perte de l’appétit et une perte d’intérêt pour les congénères.

Ce dernier point est important, car au-delà de la perte d’intérêt pour les congénères, une production de comportements sociaux inadaptés a été observée, et les animaux mourraient en quelques semaines.

Il a donc été mis en évidence que l’amygdale intervient aussi dans les comportements sociaux, et plus spécifiquement dans la mise en place d’une réponse adaptée. Les animaux présentant des lésions pouvaient présenter des comportements sociaux totalement inadaptés à la situation proposée.

Ainsi, cette implication dans les comportements sociaux rend l’amygdale d’autant plus intéressante mais aussi d’autant plus sensible.

Et pourquoi donc ?

Aujourd’hui, le recours à la médicamentation est assez fréquent, notamment les ISRS : inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine (pfiou..).

Pour comprendre ce que cela implique, allons plus loin.

L’amygdale reçoit ses connections sérotoninergiques régulatrices notamment du noyau du Raphé, provenant du tronc cérébrale.

Cela signifie que les neurones de l’amygdale parlent le ‘sérotonien’ et donc répondent à des neurones qui leur envoient de la sérotonine.

La balance de stimulation sérotoninergique permet donc tous les phénomènes impliquant le fonctionnement de l’amygdale.

Cependant, les ISRS vont venir agir sur cette communication. Ils vont permettre que la sérotonine reste plus longtemps dans ce que l’on appelle la fente synaptique, c’est à dire le lieu de communication entre deux neurones.

Tout cela est très bien, cependant, nous avons vu qu’au-delà de la peur, les comportements sociaux sont aussi régulés par l’amygdale. Il est donc possible que ce type de traitement affecte la communication de votre cher poilu avec ces congénères (sans parler des autres effets secondaires de ce type de molécules). De plus, il est important de considérer les risques liés à ce type de produit. Il existe ce que l’on appelle le syndrome sérotoninergique2 , pouvant aller jusqu’à la mort de l’individu si le dosage est mal effectué en raison d’une sur-stimulation sérotoninergique dans le cerveau.

Ainsi, il est intéressant de considérer l’amygdale comme une partie d’un ensemble, d’un réseau. On ne peut donc résumer un problème de peur au fonctionnement de l’amygdale elle-même, car c’est beaucoup plus complexe que cela.

Donc prudence quand on touche à l’amygdale, car la peur est essentielle dans la vie de tout les jours. Et se faire des amis aussi.

Conseils Toutous

Références:

1 Eric Edsinger Gül Dölen, A Conserved Role for Serotonergic Neurotransmission in Mediating Social Behavior in Octopus , Current Biology, Vol.28 Issue 19, p3136-3142 2018

2 H. Sternbach, The serotonin syndrome 1991 Jun;148(6):705-13