#14- Cycle alimentation – Partie 2 – Une épopée intestinale.

Pourquoi il est important de choisir une bonne alimentation pour nos toutous ?

Après une petite pause sur ce cycle, il est temps de poursuivre sur le sujet de l’alimentation et de la digestion. Nous avons vu dans le dernier article sur l’alimentation les problèmes, du point de vue génétique, que peuvent poser la présence de céréales, ou plus spécifiquement la quantité d’amidon, dans l’alimentation de nos canidés. En effet, le problème est que, selon la présence des copies du gène de l’amylase, la tolérance à l’amidon de nos amis à quatre pattes est différente.

Mais vous me direz, en soit, si le chien n’a pas ce qu’il faut pour le digérer, au pire, ça repart comme c’est venu ?

SI seulement c’était si simple…

Hélas non, et c’est valable pour toutes nourritures inadaptées à notre organisme. Attention, nous sommes tous différents et les chiens aussi, il n’existe aucun régime spécifique qui convient à tous, entre ceux qui seront allergique au bœuf, à l’agneau, au poisson, aux céréales et j’en passe. Il faut cependant être vigilant, car le « bœuf » transformé (croquette, steak enrichi en protéines végétales de soja (qui est de la farine de soja séché, et en aucun cas de la « protéine de soja) etc..) et le bœuf noble (sans transformation) ça n’est pas la même chose et j’insiste fortement sur ce point. Ces deux aliments n’ont RIEN à voir, tandis que l’un peut avoir un effet désastreux (transformé le plus souvent), l’autre est sain et sans conséquences, donc prudence.

Mais quel est donc cet effet désastreux ? Et bien je m’explique :

Faisons l’état des lieux.

Dans l’organisme, ce sont les enzymes qui sont responsables de notre digestion, comme par exemple les peptidases qui digèrent les protéines. La majorité des enzymes qui entrent en action dans la digestion sont sécrétées par le pancréas. La dégradation des protéines commence donc dans l’estomac. C’est l’acidité ambiante qui permet l’activation des enzymes de dégradation des protéines, d’où l’importance du pH de l’estomac. La sécrétion de suc gastrique dans l’estomac permet cette acidité qui est soumise à divers contrôle :

– nerveux : c’est le nerf vague (système nerveux autonome) qui va, en rapport avec des stimuli olfactifs, gustatifs ou visuels associé à une prise de nourriture stimuler la production d’acide gastrique. L’état psychique comme le stress ou la peur vont également influencer la sécrétion du suc gastrique

– local : selon la composition du bol alimentaire, provenant des muqueuses de l’estomac.

– hormonal : ce sont cette fois les intestins ou l’estomac qui va envoyer un message de type hormonal pour activer la sécrétion de suc gastrique ou l’inhiber.

Les enzymes qui dégradent les lipides sont elles aussi produites par le pancréas ainsi que les enzymes de dégradation de l’amidon (dont l’amylase). Ce qu’il est important de noter, c’est que, contrairement aux protéines et aux lipides, l’équipement enzymatique pour digérer les glucides est généralement très incomplets chez les animaux en général (si, si).

Les enzymes permettant la digestion des glucides sont généralement d’origine exogène, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas produites par l’animal lui-même. Elles proviennent des bactéries et d’autres micro-organismes qui vivent dans les intestins et qui sont arrivés là par le biais de l’alimentation (colostrum puis type d’alimentation, environnement, etc..).

Note : Le colostrum est le premier lait que donne la maman à son petit.

Toute cette faune intestinale porte de petit nom de microbiote. Cette information concernant la digestion des glucides est extrêmement importante, car elle apporte un éclairage sur les problèmes actuels concernant la tolérance aux glucides, aussi bien chez l’humain que chez le chien. Voilà pourquoi la prise d’antibiotique peut être désastreuse chez l’individu. Une prise d’antibiotique peut modifier le microbiote d’un individu et le rendre intolérant du jour au lendemain !!! Les antibiotiques, ça ne doit surtout pas être automatique.

Note : Les antibiotiques ont la caractéristique de détruire ou stopper la croissance des bactéries. Le microbiote étant principalement bactérien, on comprend l’effet désastreux de la prise d’antibiotique. Certains chiens ont développé des intolérances alimentaires suite à une prise d’antibiotique. Ils ne pouvaient plus, par la suite, manger la même chose.

Il est donc bon de se rappeler que, selon son microbiote, on peut être plus ou moins tolérant à l’amidon (glucides) comme peuvent l’être les chiens, qui eux, sont encore moins performant que nous sur ce plan. D’ailleurs, cela ne concerne pas seulement l’amidon mais aussi divers aliments en règle générale.

Revenons à notre digestion.

Il est aussi important de noter que la digestion des lipides est celle qui intervient en dernier et qui implique les acides biliaires sécrétés par le foie. Sans eux, la digestion et l’absorption des lipides est fortement entravée.

C’est pour cela que, si votre chien possède un foie peu vaillant, on conseillera une alimentation pauvre en graisse. Si votre chien a, par contre, un souci de pancréas, la, quoiqu’il arrive, c’est plutôt mal parti et il faudra d’autant plus éviter les glucides pour ne pas fatiguer le pancréas à fabriquer une enzyme (l’amylase) qui au final risque d’être peu efficace. Il faudra aussi dans ce cas élaborer une stratégie pour rendre l’alimentation très digeste (petit morceau accessible au lieu de gros morceau nécessitant une grande quantité d’enzyme), petits repas plutôt que gros etc.

Bref, autant de stratégie pour ne pas fatiguer le pancréas.

Nous sommes partis un peu loin. Pour revenir à nos intestins, quand on absorbe un élément dont on ne possède pas un équipement efficace pour le digérer, le risque est qu’il fermente plus que de raison (je discuterai plus avant de la fermentation dans un autre article).

Votre toutou commence à libérer des gaz très odorants et les déjections libèrent une odeur à faire fuir un troupeau de gnous… C’est là qu’il faut s’inquiéter. Car le problème de cette fermentation anormale, c’est qu’elle a lieu dans les intestins, zone d’absorption des nutriments (intestin dans son ensemble, grêle et gros intestin (colon)). Hors si notre toutou n’a ni les enzymes ni les bonnes bactéries pour digérer ce qu’il a mangé, et bien l’aliment traîne dans le tractus digestif et il fermente. Il va acidifier localement les intestins et, sur le long terme va les abimer, notamment parce que les cellules de l’intestin vont devoir se renouveler plus vite. D’autre part, l’immunité va s’en mêler et peut finir par attaquer les parois de l’intestin. De plus, les intestins vont se « tortiller » afin d’évacuer le plus vite possible cet aliment non conforme, c’est-à-dire augmenter son péristaltisme. Ce phénomène, s’il est chronique, peut rapidement se transformer en ce que l’on appelle une maladie chronique inflammatoire de l’intestin. Si ce terme vous semble familier, c’est parce qu’il est de plus en plus courant chez les humains, et que ce problème est reconnu pour être amplifier par le stress. Il n’y a pas que ça, bien évidemment. La science des intestins est vaste et l’on pourrait faire au moins une dizaine d’articles sur le sujet.

Ainsi, une fois que l’immunité est activée et que les intestins de nos canidés sont mis à rude épreuve, ces derniers peuvent devenir poreux et laisser passer des éléments, notamment des toxines, qui en temps normal, auraient été éliminées bien gentiment dans les déjections. Dans ce cas, les toxines passent dans le sang. Et la….. C’est un peu la catastrophe.

On va avoir des intestins en berne, un système immunitaire débordé par son action au niveau intestinal et puis tout l’organisme qui se retrouve envahi de molécules étrangères !! Il en résulte une augmentation des syndromes inflammatoires généraux, comme une augmentation de l’arthrose, ostéoporose, syndrome de malabsorption et j’en passe. De plus, comme le système immunitaire est débordé un peu partout, il est évidemment moins performant pour éliminer d’autres menaces d’origines extérieures (virus …) mais aussi intérieur (cellules tumorales/cancéreuses). Sans ajouter que les intestins ont un impact sur le fonctionnement du cerveau et sont impliqués dans les phénomènes d’anxiété et de paranoïa. Nos canidés ne vont pas devenir parano du jour au lendemain, mais, 500 millions de neurones sont présents dans nos intestins et ne sont pas prêts de taire leur état quand ça ne va pas !

Bon, le but ce n’est pas de générer une crise de panique général, mais il faut être conscient que nos choix humains pour nos canidés sont importants, et notamment en terme de nourriture.

Il va de soi que, vous pouvez aussi donner la meilleure nourriture qui soit à votre toutou, si il est stressé, on va rencontrer des problèmes similaires mais pour d’autres raisons. Cela fera l’objet d’un autre article chez Conseils Toutous.

Cependant, pas lieu de se stresser non plus. Si votre chien n’a pas des flatulences journalières, que ces crottes sont plutôt foncées et de petites/moyennes tailles et pas trop abondantes, qu’il n’a pas beaucoup de tartre, alors tout va bien.

Si votre chien a des flatulences, fait d’énormes crottes et mange beaucoup tout en étant d’une maigreur visible, et que malgré cette monstrueuse quantité de bouffe qu’il mange, il a toujours l’air affamé, posez-vous la question : qu’est-ce que mon chien absorbe dans ce que je lui donne à manger ?

Un dernier point : ce n’est pas parce que vous achetez votre nourriture chez le vétérinaire qu’elle est bonne pour votre chien. Ce n’est pas non plus parce que vous préparez avec amour la gamelle de votre chien chaque matin qu’elle est adaptée. Tout dépend de ce qu’il y a dedans. Et surtout n’oubliez pas, quoiqu’on en dise, le chien est un CARNIVORE à TENDANCE omnivore.

Et bon appétit bien sûr !

 

Source :

  1. Physiologie animale, Raymond Gilles, Ed. De boeck
  2. Biologie, Raven, Johnson, Mason, Losos, Singer , Ed. De boeck
  3. Micha et al., Red and processed meat comsumption and risk incident coronary heart disease, stroke, and diabetes : A systemic review and meta-analysis. Circulation, 2010, 121(1):2271-2283
  4. Andrew Smith, Brain, & Gut, Nature, 256, 2016

Conseils Toutous